Accueil On fait quoi ? Etude de cas Si vous vous situez « à gauche » et que vous vous reconnaissez dans...

Si vous vous situez « à gauche » et que vous vous reconnaissez dans ces propos…↑↑↑

De Dupont-Aignan à Le Pen, l’extrême droite récupère les agressions homophobes pour son habituel commerce raciste. L’objectif est de faire croire que l’immigration et l’Islam seraient responsables des agressions physiques rapportées quotidiennement par les médias français :

Par le Collectif Irrécupérables

Ces propos islamophobes de Le Pen ou Dupont-Aignan comportent tout d’abord une contradiction interne puisqu’il y a des personnes LGBTQI en France qui sont issues de l’immigration et/ou qui sont musulmanes. De plus, ils empêchent, en pointant du doigt une population stigmatisée par le racisme, de prendre la mesure du système des oppressions vécues par les LGBTQI du fait des institutions, et dont les agressions physiques ne sont que la partie émergée de l’iceberg. A ce sujet, l’extrême droite s’est opposée hier à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, s’oppose encore aujourd’hui à celle de la PMA pour tou-te-s, aux droits des personnes trans, à l’égalité femmes-hommes, et un long etcétéra. Il est donc abject qu’elle se fasse passer pour pro-LGBTQI ou pro-féministe, et qu’elle récupère ainsi les luttes féministes et LGBTQI à des fins racistes et islamophobes : ce n’est qu’une grande mascarade politique. Quant au fait de se présenter en défenseurs exemplaires des personnes juives dans ces tweets, les propos négationnistes et le nombre de condamnations pour antisémitisme des membres du Front National permettent à eux seuls de révéler l’instrumentalisation par l’extrême droite des luttes contre l’antisémitisme, à des fins islamophobes encore une fois…

Mais que penser lorsque des personnes qui ne se reconnaissent pourtant pas du tout dans l’extrême droite tiennent un discours équivalent ? Dans les captures d’écran ci-dessous, qui saurait reconnaître les propos d’un militant d’extrême droite de ceux d’un-e sympathisant-e du Printemps Républicain, mouvement qui se dit issu de la gauche ?

Ce discours, ou plutôt ce mensonge, qui envahit les réseaux sociaux et les médias du fait de personnes se présentant comme « universalistes », trouve une certaine audience dans la société française. On entend des proches, des collègues, des journalistes, affirmer : « Ouais, mais attends, là où tu es vraiment en danger, c’est dans le 9-3« . Mais que dire alors des agressions physiques ou verbales subies dans « les beaux quartiers » et commises par des personnes blanches ? Que dire des « blagues » humiliantes, graveleuses, entendues quotidiennement à l’école, dans la famille ou l’entreprise, et de la part de personnes blanches ? Que dire des discriminations dans l’accès au logement, à l’emploi, à la santé pour les LGBTQI? Les LGBTQIphobies structurent toute la société française, tous les départements, toutes les communes. Mais surtout, le fonctionnement même de l’État.

Ainsi, que dire de Macron qui organise, baguette en main, la hiérarchie entre les personnes hétéros et homos (car c’est ça, l’homophobie), notamment en voulant inventer de toutes pièces une énième commission où l’on va re-rediscuter de cet im-men-se problème que sont les lesbiennes, les trans et les inter qui souhaiteraient pouvoir fonder leurs familles par PMA et les protéger juridiquement ? Que dire quand Macron légitime le discours homophobe de La Manif pour Tous et de l’institution catholique, en les présentant comme les victimes d’une humiliation, d’une brutalisation lorsque la loi du mariage pour tous a été adoptée en 2013 ? Que dire quand des homophobes sont conviés à l’Assemblée Nationale et dans les médias pour parler PMA, tandis que les lesbiennes sont si peu invitées à s’exprimer sur un sujet qui les concerne directement ? Que dire, quand ce retour des grands « experts » PMA sur les plateaux télé correspond PRECISEMENT à l’augmentation des attaques homophobes ?

Que dire enfin quand des ministres se déplacent en grande pompe communicationnelle pour annoncer à certaines associations des mesures (qui existent déjà) contre l’homophobie, et dont le caractère répressif n’agit absolument pas sur les causes des LGBTQIphobies ? Quand les études prouvent que Police et Justice poursuivent et condamnent beaucoup plus, à délit égal, les personnes précaires et/ou racisées, réclamer plus de répression et de prison, sans aucun recul critique quant aux leviers sur lesquels reposent les LGBTQIphobies, le racisme et l’oppression de classe qui structurent ces institutions, c’est bien donner raison à l’extrême droite. Or la répression n’est pas la solution : tant que les cercles de pouvoir nous traiteront en sous-citoyen-ne-s, en menaces pour les enfants ou la société, ils favoriseront ces passages à l’acte et ces agressions.

Dans un monde où homophobes-transphobes-sexistes-racistes-islamophobes-antisémites-négrophobes-romophobes-anti-migrants-anti-écologie d’extrême droite se réunissent et convergent vers le pouvoir avec l’aide des capitaux des grands industriels (en Italie, aux USA, au Brésil, en Hongrie, en Turquie, en Israël, en Russie, en Pologne), les personnes se reconnaissant dans l’expression « de gauche » ne devraient-elles pas se demander d’où vient cet imaginaire qui leur ferait croire que l’homophobie et le sexisme, ça serait uniquement à cause de celles et ceux qui sont toujours présenté-es comme « les Autres » ? Que dire des militants gays blancs qui s’offusquent sur les réseaux sociaux que soient évoquées les agressions transphobes ou la situation des réfugié-e-s LGBTQI au rassemblement organisé par SOS Homophobie à Paris le 21/10 ? Certaines personnes de gauche qui auraient tendance à partager ces propos de l’extrême droite, ne seraient-elles pas en train de reproduire un imaginaire colonial, peut-être sans en avoir toujours conscience, certes ? Et surtout, comment ne pas voir que le premier responsable, c’est l’État et ses politiques discriminatoires ? En tout cas, avoir le même discours que l’extrême droite et être « de gauche », n’est-ce pas un problème ?

Images : Captures d’écran des tweets de N. Dupont-Aignan, M. Le Pen et du FN (17/05, 21/10, 22/10, 31/10 2018).
Captures d’écran des tweets d’anonymes, floutées par nos soins (15/10/18)