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Le Printemps Républicain et le féminisme

Par le Collectif Irrécupérables

L’hypocrisie du Printemps Républicain en matière de féminisme est peu abordée. C’est pourtant au nom de la lutte pour les droits des femmes et l’égalité avec les hommes que les militant·es ou soutiens de l’organisation, créée au printemps 2016 pour défendre « le commun », les « valeurs républicaines » et la laïcité, ont lancé ces derniers mois des campagnes de harcèlement à l’égard d’une candidate de l’émission de télécrochet ou d’une représentante élue du syndicat étudiant UNEF.

Pour cette dernière (Maryam Pougetoux), le Printemps Républicain rejoint par d’anciens dirigeants syndicaux comme Bruno Juilliard ou Julien Dray, postule, au mépris de la laïcité et des propos tenus par la femme ciblée, l’incompatibilité entre le port du voile et les valeurs historiques, progressistes, de l’organisation étudiante.

Une telle équation est évidemment antilaïque, puisqu’elle présuppose une pensée politique réactionnaire chez une personne affichant sa foi : elle prétend exclure de l’espace public une personne affichant sa foi et lui interdire d’exercer des responsabilités d’intérêt commun au seul prétexte de convictions religieuses non invisibilisées. Cette équation s’oppose à la liberté de conscience, en prétendant imposer en équivalence pensée réactionnaire et conviction religieuse.

Elle est également discriminatoire dans la mesure où la manifestation de conviction réactionnaire n’est jusqu’à maintenant non réservée aux personnes ayant des convictions religieuses, et que le fait d’être réactionnaire n’est pas un motif d’exclusion de lieu de pouvoir ou de prise de parole publique « républicaine » : des opposants au mariage pour tous se retrouvent au gouvernement, des personnes ayant pu tenir des propos homophobes, transphobes ou sexistes, sans afficher la moindre foi, comme Pascal Bruckner ou Alain Jacubowicz, parlent à la tribune d’événements co-organisés par le Printemps Républicain comme « Toujours Charlie » le 6 janvier dernier. Cette équation est enfin sexiste puisqu’elle entend prescrire aux femmes leur manière de s’habiller si elles veulent exercer un poste à responsabilité.

Comme le rappelle la présidente de l’UNEF, Lilâ le Bas, le monopole masculin* sur la direction du syndicat n’a jamais posé problème aux yeux des harceleurs de Maryam Pougetoux : « Affirmer que l’Unef n’est plus féministe est ridicule. Pendant des années, des hommes n’ont pas été foutus de porter une femme à la tête de l’organisation, je suis la première en 16 ans. Ça dit aussi quelque chose. Je me passerai donc des procès en « féminisme » de leur part. »

Dans les faits, le Printemps Républicain est une structure sexiste où les postes à responsabilité sont confisqués par les hommes*. Le bureau de l’association est composé de 8 hommes* et une femme [1]. Cette domination masculine rappelle que le fondateur du mouvement, Laurent Bouvet, fut un opposant historique à la parité. En 2001, alors rédacteur en chef de la Revue socialiste, il cosigna un texte au sein du PS (voir cet article de Libération de l’époque) dans lequel il se plaignait que la parité ne menaçât sa carrière politique : « l’exclusion historique subie par les femmes pendant tant d’années ne saurait justifier l’éviction des responsabilités de quelques générations d’hommes», pouvait-on y lire.

Le bureau du Printemps Républicain, ce sont donc 8 hommes* (et une femme) qui entendent décider des habits que doit porter une femme pour accéder à un poste à responsabilité. Ce n’est pas de la laïcité. Ce n’est pas du féminisme. C’est du machisme séculaire. Et il ne s’exerce pas que sur les femmes portant le voile.

La seule femme, Lunise Marquis, est accompagnée de deux hommes* sur le poste qu’elle occupe, porte-parole. Mais un recensement rapide des apparitions médiatiques du Printemps républicain montre que ce sont avant tout des hommes* qui portent le discours du Printemps Républicain : Laurent Bouvet en tant que fondateur (il tend parfois à rappeler qu’il n’en est plus le représentant), le président Amine El Khatmi ou encore Guillaume Weecksteen, l’un des hommes* « encadrant » Lunise Marquis. Cette dernière peut apparaître dans les médias, mais est bien effacée par rapport à ses camarades masculins et c’est souvent plus en tant que vallsiste (donc derrière un homme) que porte-parole du Printemps Républicain.

En dehors d’événements exceptionnels, comme l’hommage aux victimes de l’attentat contre la rédaction de Charlie Hebdo, les réunions publiques du Printemps républicain mettent en avant des hommes* : aucune femme sur l’estrade à l’Union en Haute-Garonne le 3 mai, 1 femme et deux hommes à Rennes le 22 mai, 3 hommes et zéro femmes à Toulouse le 7 juin.

Invitation du Printemps républicain à une réunion publique à Toulouse et où les 4 intervenants sont tous des hommes cisgenres

On voit donc là la cohérence du « féminisme » du Printemps Républicain : entraver la parole publique des femmes et leur accès aux postes à responsabilités. La défense de la laïcité n’est qu’un masque pour une pratique sexiste des plus réactionnaires.

* Tous des hommes cis.


[1] Amine El Khatmi, Antonin Valls, Nassim Seddiki, Jean-Marc Mojica, Rémi Ferrand, Guillaume Weecksteen, Jocelyn Munoz, Yassine Pommier et Lunise Marquis.