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Alain Jakubowicz à la tête de la CNCDH ? Un désastre pour les droits humains, le droit à la santé, et en premier lieu pour les personnes trans, les femmes, les étrangErEs

Par Act Up-Paris – Acceptess Transgenres – Collectif Irrécupérables

Ancien président de la Licra, Alain Jakubowicz pourrait être nommé par le premier ministre à la tête de la Commission Nationale Consultative des Droits de l’Homme (CNCDH). Cette institution fournit un travail essentiel sur les atteintes aux droits humains en France, fondé sur des études sérieuses, un pluralisme des points de vue sur les discriminations et des débats apaisés autour de l’ensemble des droits humains.

Cet homme, responsable de propos insultants, discriminatoires ou stigmatisants, n’a pas sa place à la tête d’une telle institution.

Comme l’a rappelé l’Inter-LGBT, Alain Jakubowicz a tenu des propos violemment transphobes dans une de ses sorties, par ailleurs sexiste, sur la parité en politique : « Avec 15 ministres, ça va être difficile, à moins que peut-être on ait un transgenre, ou je ne sais quoi. On est vraiment dans le délire. » C’était le 17 mai 2017, journée internationale dédiée à la lutte contre les LGBTphobies. Le président de la Licra relayait les pires préjugés sur les personnes trans et les réifiait (« je ne sais quoi »). Alors que nous pleurons encore la mort d’une femme trans assassinée l’été dernier, Vanesa Campos, alors que les agressions et discriminations transphobes s’enchainent en France et dans le monde, comment peut-on penser à nommer une personne qui ose de telles plaisanteries à la tête d’une instance comme la CNCDH ?

Responsable de propos transphobes et sexistes, Alain Jakubowicz a par ailleurs insulté les victimes du sang contaminé1. Alors que Bernard Henri-Lévi affirmait en février 2016 que le procès de l’ancien premier ministre au moment des contaminations était un complot antisémite, le président de la Licra l’a soutenu publiquement, allant même jusqu’à comparer ce procès aux Protocoles des sages de Sion, faux document du dix-neuvième siècle censé prouvé l’existence d’une conspiration juive.

Ainsi, sans aucune preuve, sans aucune connaissance du dossier – qui a pourtant amené un changement constitutionnel et une instruction – Alain Jakubowicz dévoyait la lutte contre l’antisémitisme pour invectiver des morts, des malades encore en vie ou les parents endeuillé-es qui avaient voulu que soient pesées les responsabilités pénales des ministres en charge.

Alors que les scandales sanitaires se succèdent en France sans que les politiques n’en tirent la moindre leçon et sans que le droit à la réparation des victimes ne progresse réellement, comment peut-on penser à nommer une personne qui ose dévoyer la lutte contre l’antisémitisme pour diffamer des personnes courageuses qui ont su mener un combat contre l’irresponsabilité de nos politiques ? Le droit à la santé et à la réparation d’un préjudice doivent aussi être au cœur des préoccupations de la CNCDH.

Alain Jakubowicz combat le concept de racisme d’État. C’est son droit, mais il a choisi par ailleurs de nier certaines des réalités que ce concept recouvrait, donc de les cautionner, et de lutter en priorité contre les militantEs, les associations, les universitaires qui utilisaient ce terme en les amalgamant aux suprémacistes blancHEs et aux racistes. Au lieu d’un débat, c’est l’invective, l’intimidation, la censure qu’il a imposées. Nos associations combattent l’expulsion des personnes malades, de personnes LGBT+ dans des pays où elles seront persécutées et exécutées. Nous faisons face aux discriminations que rencontrent migrantEs et personnes racisées dans le système de soins, dans les préfectures, à l’OFPRA, à l’OFII etc. Nous avons besoin d’une institution qui documente ces phénomènes pour mieux les combattre. Comment cela serait-il possible avec un président qui, au lieu de débattre, intimide, censure les militantEs luttant contre ces discriminations, plutôt que contre les discriminations elles-mêmes, sous le seul prétexte qu’il refuse sans débat un concept pourtant légitime ?

De même, Alain Jakubowicz a pour priorité de combattre le mot « islamophobie » – concept pourtant utilisé par la CNCDH depuis 2014. Il a le droit de manifester son désaccord sur ce terme en argumentant. Mais il a choisi là encore l’invective, traitant par exemple ceux et celles qui l’utilisent « d’idiots utiles de l’islamisme ». Cette violence est contraire aux règles élémentaires du débat public, et  nous rappelle les attaques répétées dont le mot même d’homophobie a fait l’objet, et dont les mots « transphobie », « lesbophobie », « biphobie » sont encore victimes. Comment documenter les atteintes aux droits humains si on refuse de débattre avec ceux et celles qui en sont victimes et qu’on réfute par principe, sans argument, les concepts qu’ils utilisent pour désigner ces oppressions ?

Pour toutes ces raisons, nous l’affirmons clairement : une telle nomination serait une catastrophe pour les droits des femmes, des trans, des malades, des étrangErEs et pour la prévention et la condamnation des responsables, en particulier politiques, des scandales sanitaires.

Si jamais le gouvernement maintient sa nomination, nous devrons alors considérer la CNCDH comme un ennemi politique de nos luttes et un organe servant à bâillonner les voix dissonantes  face à l’idéologie libérale des gouvernements successifs.

1 Drame sanitaire, considéré comme un scandale, ayant touché plusieurs pays, dont la France, dans les années 1980 et 1990. En raison de mesures de sécurité inexistantes ou inefficaces, de nombreuses personnes ont été contaminées par le VIH ou l’hépatite C.